Dans un pays confronté à des conflits incessants, la ville de Tel Aviv semble figée dans un autre monde. La cité israélienne est un lieu de liberté et de fête, où la jeunesse veut vivre paisiblement.
Au Polly, c’est un dimanche soir comme un autre. Un dimanche de fête. Une fois le soleil couché, le bar se remplit de noctambules, les verres de bière et de cocktails. La jeunesse de Tel Aviv s’apprête à dépenser sans compter, dans la chaleur de l’été. Boulevard Rotschild, cœur de la vie nocturne de la cité balnéaire, les préoccupations géopolitiques, le conflit israélo-palestinien semblent très loin. « Évidemment, on sait ce qui se passe » , souffle Dina, étudiante israélienne de 27 ans, en sirotant une Margarita, avec son amie Radwa.
« On est tous concernés mais ça ne nous empêche pas de vivre. Au contraire, je crois qu’on a besoin de cette légèreté dans notre quotidien. Et Tel Aviv est la ville idéale pour ça! » Une ville qui ne dort jamais. Une ville où le verre suivant n’est jamais loin. Une ville où les bars et les boîtes s’alignent sur les trottoirs aux lumières vives et ouvrent jusqu’à l’aube.
« Cette violence a toujours existé »
À moins de cent kilomètres de là, ce 14 mai, 25 manifestants palestiniens ont été tués à la frontière entre Gaza et Israël. Un épisode de plus dans un conflit qui n’en finit pas. « On a suivi ça de près. Pendant quelques jours, on en a parlé, bien sûr, comme le monde entier » , explique la jeune étudiante en droit. « Le drame dans tout ça, c’est qu’on ne peut pas faire grand chose. » À Tel Aviv, les violences sont une toile de fond qui ne freine pas le besoin de sérénité d’une jeunesse déjà fatiguée par ces conflits.
Vendredi 8 juin, près de 250 000 personnes défilaient dans les rues de la ville, pour la plus grande Gay Pride du pays. Des gens venus du monde entier ont dansé durant des heures sous un soleil de plomb, dans une ambiance de folie. Exactement au même moment, quatre Palestiniens perdaient la vie à la frontière entre Gaza et Israël. « J’ai appris ça vendredi soir, très tard » , raconte Dina. « Comme à chaque fois, je suis choquée. Mais la situation est tellement compliquée… On a dû apprendre à vivre avec cette violence toute proche. Elle a toujours existé. » « On ne peut pas penser à ça tout le temps » , appuie Radwa, 26 ans, qui n’a jamais quitté Tel Aviv. « J’aimerais tellement que tout cela cesse, que chacun trouve sa place. Mais c’est un conflit sans solution. On le sait.«
« C’est une ville sûre »
S’ils se sentent en sécurité ici ? « Oui, bien sûr » , soutient Radwa. « Personnellement, je ne me suis jamais sentie en danger à Tel Aviv. C’est une ville sûre. On sait qu’on peut compter sur l’armée. On doit sûrement avoir la meilleure protection au monde ! » En 2012, pourtant, des frappes venues de la bande de Gaza avaient presque atteint cette luxueuse forteresse. L’une des roquettes était tombée à 200 mètres du front de mer. « On m’a raconté qu’il y avait eu un petit mouvement de panique sur la plage » , raconte la jeune fille. « J’étais à l’étranger à ce moment. Mais j’avais eu peur pour ma famille. Je crois que c’est à peu près la seule fois où j’ai connu ce sentiment.«
Protégée des drames qui se jouent à quelques kilomètres de là, Tel Aviv ressemble finalement à n’importe quelle ville occidentale. Ici, la jeunesse veut faire la fête, jouer une partie de foot sur la plage au soleil couchant, boire des verres en terrasse le soir venu, danser toute la nuit, « avoir une vie normale » , résume Radwa.
Lior, 33 ans, a quant à lui toujours vécu ici. Aujourd’hui, il est le patron d’une auberge de jeunesse. « Cette ville est idéale quand on a entre 25 et 35 ans. On a tout ce qu’il faut, on sort beaucoup. Je ne me verrais pas vivre ailleurs en Israël. Les autres villes sont ennuyeuses… » Diplômé en siences politiques, Lior se sent néanmoins impliqué dans les préoccupations de son pays, « mais ici, on vit clairement dans une bulle. Ce qui est sûr c’est qu’on n’est pas près de sortir de tout ça. Et Tel Aviv est une ville incroyable. Alors pourquoi partir ? » , sourit-il en achevant sa bière.
G. K.