Tel Aviv bouillonne de culture. Galeries d’art, écoles de danse, street art, concerts… Pour les artistes, le terrain de jeu est immense. Yonathan Ben David est musicien. Avec sa guitare, sa trompette et sa voix, l’Israélien de 32 ans a choisi les rues de la ville pour exercer son jazz.
Le soleil n’en finit plus de taper. Il est 15 h, Yonathan s’installe à l’ombre de l’arbre. Le feuillage tombant le protégera de la chaleur. Son vélo déposé contre un poteau, le garçon sort les instruments du sac. La trompette d’abord, puis la guitare, le trépied et le micro. Rue Shabazi, c’est son coin. Là où il aime partager sa musique avec «les gens qui passent. C’est un endroit calme et reposant, à l’écart de l’agitation de la ville, je m’y sens bien», sourit le jeune homme de 32 ans. Les personnes qui empruntent ce chemin ont la démarche lente et détendue de ceux qui descendent vers la plage. La place est stratégique.
Quinze minutes ont passé, le musicien entre en scène. Debout sur ce trottoir qu’il connait par cœur, là où souffle une brise légère, il apporte la trompette à sa bouche. Les premières notes sonnent juste dans l’air chaud. Le regard lumineux de Yonathan attire celui des passants. Sa musique titille les oreilles attentives. Une famille de touristes s’arrête, restant un peu en retrait. La fillette blonde s’approche timidement, ouvre des grands yeux curieux devant Yonathan, pris dans sa musique. La scène se fige ainsi, le temps d’un morceau… Avant de se remettre en marche, le père dépose quelques shekels aux pieds de Yonathan.
« On joue de la musique pour les autres »
Depuis trois ans, ce dernier a investi les rues de Tel Aviv pour exercer sa passion. Cet emplacement ombragé est devenu sa deuxième adresse. Être artiste ici ? «C’est l’idéal… La ville est très culturelle et ouverte sur le monde. Je ne me verrais pas vivre ou jouer ailleurs en Israël», à l’instar de beaucoup d’artistes du pays. À deux pas de là, le centre de danse Suzanne Dellal accueille des spectacles contemporains. Un peu plus loin, le quartier Florentin est connu pour son street art. Jeudi, la musique avait envahi la cité pour la Nuit Blanche, avec des dizaines de concerts et des milliers de badauds. À Neve Tzedek, le chic quartier qui mène à la mer, les portes entrouvertes des galeries d’art invitent à découvrir les talents locaux. L’art est partout. Et Yonathan fait partie du tableau. Pour lui, la rue est un choix. «Il n’y a pas mieux comme école ! On voit comment nous perçoit le public, s’il est réceptif. C’est comme ça qu’on apprend à devenir meilleur. On joue de la musique un peu pour soi mais beaucoup pour les autres. Je trouve logique de me produire ici.» Son modèle ? « Django Reinhardt ! Il a commencé dans la rue… »
« Je suis le plus heureux »
Yonathan est né à Jérusalem, d’un père iranien et d’une mère canadienne. Très jeune, il est parti vivre au Canada avec sa famille. Là-bas, il a grandi au rythme de la batterie de son père. Son enfance a été harmonieuse, l’une de ses sœurs est devenue musicienne professionnelle. Après des études de cinéma et de photographie, et avant de se consacrer entièrement au jazz, le garçon s’est lancé dans l’enseignement. « J’ai été prof quelques années, avec des jeunes enfants. Ça a été une bonne expérience. J’aimais vraiment l’idée de transmettre.«
Il y a trois ans, à l’approche de la trentaine, il a eu «envie de soleil et de [se] concentrer sur [sa] passion» , alors il est revenu en Israël. Mais pas à Jérusalem… « Je crois que Tel Aviv se prête mieux à la vie d’artiste. Il y a plus d’opportunités, de facilités. Et puis, j’ai la mer… » Aujourd’hui, ce quotidien de musicien lui plaît. Son bureau, c’est la rue. « C’est agréable… J’apprends tous les jours et j’aime le contact avec les gens. Tant que je peux faire de la musique, que parfois je vois le sourire des passants, je suis le plus heureux.» Même s’il est difficile de vivre uniquement de ce bonheur-là. «Je ne fais de toute façon pas ça pour l’argent.» La rue, c’est pour le plaisir.
Pour le pragmatisme, quelques concerts avec des amis musiciens, dans les bars, les restaurants, les centres culturels, lui permettent de gagner suffisamment pour payer son loyer, surtout. Dans le quartier Florentin, c’est dans son petit appartement qu’il enregistre sa musique, poste des vidéos de ses essais sur son compte Instagram, s’essaye à d’autres arts, comme le dessin, un peu de chant, ou la danse plus récemment. En octobre, il intégrera le conservatoire de Tel Aviv pour une formation professionnelle. L’idée étant de pouvoir enseigner la musique en Israël. En attendant, Yonathan continue d’enchanter la rue Shabazi de son jazz, chaque jour. «Ici, personne ne m’embête. Je peux jouer autant que je veux», dans le courant d’air tiède de ce mois de juin, à l’ombre de son arbre.
G.K.